L'art et l'industrie du fer découpé


Janvier 2010 …
Nous allions fêter le dixième anniversaire du Forum Transculturel d’Art Contemporain crée en 2000. Notre calendrier d’activités démarrait avec deux évènements, le 30 janvier nous inaugurions au Musée Georges Liautaud, l’exposition « Serge Jolimeau et les forgerons du vodou, 20 ans après » et le 6 février nous lancions le Guide répertoire des artistes et artisans du Bel Air.


Pour la première fois, nous allions obtenir le soutien de la puissance publique, en l’occurrence celui du Ministère de la Culture et des Communications. La sixième édition du Forum Transculturel quant à elle, se déroulerait du 1er au 15 juin 2010 avec la contribution conséquente de nos premiers partenaires officiels, le Fonds ACP / Union Européenne et Revue Noire BICFL, le Festival Doualar’t du Cameroun ainsi qu’une initiative de prestigieux plasticiens malgaches. Une vingtaine de participants d’Afrique, d’Europe, des Amériques, de la Caraïbe particulièrement, confirmaient déjà leur participation. Cette nouvelle année se présentait avec des promesses, laissant entendre que de nouveaux partenariats, le support des décideurs publics se faisaient enfin les indispensables échos d’une décennie de labeur solitaire au service de la création contemporaine et des créateurs haïtiens.


Au cours de ces dix dernières années, nous avons gagné quelques batailles, si modestes furent-elle. Celle d’une meilleure appréciation de la sculpture au même titre que la peinture haïtienne, celle de l’ouverture de la scène de l’art contemporain haïtien au monde entier comme à d’autres disciplines, la photographie, le cinéma, l’architecture, les nouveaux médias, les nouvelles pratiques visuelles. Nous avons priorisé les actions pérennes par rapport aux initiatives éphémères avec pour dot, une visibilité souvent moindre, mais des investissements tellement plus efficaces sur le long terme. Simultanément, sans le savoir nous avons contribué à la création d’un nouveau public en posant l’art dans la rue, en sortant des réseaux traditionnels, élitistes. Nous avons renforcé le rôle social des artistes plasticiens, contribuant à la structuration des associations, à la valorisation de la profession tout en stimulant le leadership communautaire, d’abord au centre-ville, à Rivière Froide, mais surtout avec l’aboutissement au Bel Air et à Croix-des-Bouquets, des deux premières associations officielles d’artistes et d’artisans. Nous avons dépassé les clivages des spécialisations, des hiérarchies de métiers, afin de seul valoriser le fait de contribuer à l’économie, au développement par les industries créatrices. Au fil du temps, une idée entrainant un projet, puis deux et ainsi de suite, nous avons inventorié, répertorié, photographié, numérisé, diffusé, vulgarisé, rédigé, publié, de sorte que la Fondation AfricAméricA est devenue en plus d’un lieu de rencontre et de formation, une formidable base de données sur la création contemporaine d’Haïti, sur les pratiques artistiques actuelles d’ici et d’ailleurs.


Nous avons ouvert la route des échanges avec nos pairs de l’océan indien.

Nos artistes ont voyagé aux quatre points cardinaux.

Janvier 2009 - Nous avons ouvert le Musée Communautaire Georges Liautaud, au cœur du village pour lequel nous caressions le rêve ambitieux, du village artistique de Noailles, un modèle de développement durable, à partir des 60 ateliers regroupés au sein de l’ADAAC (Association des Artistes et Artisans de Croix-des-Bouquets). Un village amélioré, d’artistes et d’artisans, qui englobe ses multiples dimensions, patrimoniale, vivante, dynamique, créatrice.


Janvier 2010 - Personne n’est mort, personne n’a manqué à l’appel. Le Musée Georges Liautaud abrite depuis plusieurs semaines cinq familles d’artistes et d’artisans sinistrés. Notre espace d’exposition a abrité une mission médicale et plusieurs centaines de villageois y ont reçu des soins. Notre structure construite à base de containers récupérés, s’est révélé l’immeuble le plus fiable du village. Nous avons l’eau, l’électricité, une toilette avec accès handicapé. Presque du luxe, faisant la somme des acrobaties administratives, des tracasseries financières dont nous nous serions volontiers lestés.

Et surtout, nous nous serions volontiers passé de cet isolement qui tue.

De la misère qui s’évertue à faire obstacle à la création, à la liberté.

Janvier 2010 - Malgré tous ces combats, le secteur culturel n’est toujours pas priorisé par nos décideurs.

Mars 2010 - Les 910 lieux de productions artistiques et artisanales du Bel Air sont condamnés. Les artistes et artisans survivent dans les camps de sinistrés. Ils ont perdu leurs outils de travail. Leur dignité. Les voilà condamnés à la mendicité.

Mars 2010 - Si nous n’agissons pas pour la préservation de notre patrimoine vivant qu’aurons-nous à offrir au monde ?


Barbara Prézeau Stephenson (AICA SC)
Présidente de la Fondation AfricAméricA

Rédigé par Fondation AfricAméricA le Dimanche 14 Mars 2010 à 18:21 | Commentaires (0)