L'art et l'industrie du fer découpé

Croix des Bouquets fut fondée en 1749, par décret royal, sur un terrain offert par les propriétaires des Habitations Santo, Noailles, Bellanton et d’Argout à la Savane d’Oublon. La petite histoire dit que la ville tient son nom de cette tradition qu’avaient les espagnols de passage de déposer des bouquets de fleurs au pied d’une grande croix qui se trouvait sur le terrain où la ville fut construite. Même si la légende n’est pas vérifiée, Croix des Bouquets poursuit une tradition de beauté à travers la sculpture du fer, et le village de Noailles est au cœur de cette tradition.


Bourg de la Croix des Bouquets - Extrait de carte du XVIIIe siècle
Bourg de la Croix des Bouquets - Extrait de carte du XVIIIe siècle
Situé à quelques minutes de la municipalité, le village de Noailles est l’une des grandes capitales d’artisans du fer découpé, ce qui explique sa célébrité et un dynamisme économique peu commun en Haïti. Certains ateliers emploient à temps plein plus d’une dizaine d’artistes, ce, tout au long de l’année. Dans le cadre du projet « Kore atis ak atizan » subventionné par la Commission Européenne à travers le programme PRIMA, des visites guidées gratuites des ateliers s’y déroulent pendant une année.

L’histoire du fer découpé à la Croix des Bouquets c’est d’abord celle de la découverte en 1953 d’un talent inconnu du milieu artistique de l’époque, George Liautaud. George Liautaud, forgeron de son état, est né en 1899. Les croix en métal qu’il réalise parallèlement à son travail de forgeron lui attirent l’intérêt du directeur du Centre d’Art Haïtien, un certain Dewitt Peters.

La même année il devient membre du Centre d’Art et la fréquentation d’autres artistes ainsi que l’engouement international pour sa sculpture le poussent vers des techniques nouvelles et l’utilisation de la tôle, plus maniable, qu’il découpe.

Au contact de George Liautaud d’autres artistes s’intéressent au nouveau medium. Murat Brierre, par exemple, peintre autodidacte qui accordera au dessin une place privilégiée dans son travail de sculpture. Mais ce sont surtout les jeunes de la Croix des Bouquets, en particulier les trois frères Louisjuste, qui permettront au fer découpé de gagner une place de choix dans l’art d’Haïti. Se détachant au début des années 60 de Liautaud, avec lequel ils ont fait leur apprentissage, ils ouvrent leur propre atelier dans le quartier de Noailles, travaillant le fer, apportant des techniques innovantes mais aussi transmettant leur art aux jeunes de Noailles, ancrant la pratique du fer découpé dans ce quartier. Serge Jolimeau, Gabriel Bien-Aimé sont deux grands noms du fer découpé qui débutèrent chez les Louisjuste leur carrière de sculpteur.

Dès le début des années 70, le fer découpé rentre de plein pied dans l’univers artisanal haïtien. Sculpter le fer est devenu un métier bien établi et la transmission du savoir du maître à l’apprenti a produit plusieurs générations de sculpteurs. Aujourd’hui, Noailles compte une soixantaine d’ateliers et emploie près de 500 artistes, artisans et apprentis du métier.

Rédigé par Fondation AfricAméricA le Mardi 2 Septembre 2008 à 21:04 | Commentaires (2)