L'art et l'industrie du fer découpé


Il était une fois un jeune aristocrate français, cadet de famille, et donc destiné à la carrière militaire tandis que son frère aîné jouit de son marquisat et du revenu des terres ancestrales, en plein Berry. À ceci près que l’aîné se marie avec une héritière (pour un quart) d’une sucrerie de Saint-Domingue, dans la plaine du Cul-de-Sac. Mariage fastueux, à Versailles, en présence de la famille royale s’il vous plait, Louis XVI et Marie-Antoinette signant les registres…


Habitations Bourgogne, d'Argout, Noailles
Habitations Bourgogne, d'Argout, Noailles
Mais, la Révolution ayant éclaté, le cadet part dans les troupes royales à Saint-Domingue pour le maintien de l’ordre, dans une colonie en proie à des convulsions, débarquant à Port-au-Prince, assistant aux âpres luttes pour le pouvoir, notamment de par les Blancs autonomistes. Il a également la procuration de son frère pour veiller sur sa sucrerie. C’est alors que débarquent les Anglais ; toute la plaine du Cul-de-Sac passe sous leur contrôle. Notre cadet, méfiant vis-à-vis de la Révolution, fait partie des officiers qui rejoignent les Anglais et va effectuer diverses opérations de maintien de l’ordre britannique jusqu’au retrait de ceux-ci, en 1798, tandis que Toussaint Louverture s’affirme chaque jour davantage comme «l’homme qui monte».

Entre-temps, le jeune officier avait été mis en possession de la sucrerie familiale, et va, notamment à partir de 1798, effectuer un considérable effort de remise en fonctionnement. Il est également titulaire de procurations pour gérer les habitations Noailles et d’Argout, mitoyennes de la sienne. Car, malgré les incertitudes politiques et les tensions qui règnent, le jeune homme est tombé sous le charme du pays au point de renoncer à sa part d’héritage en métropole, pour l’échanger contre la part de son aîné à Saint-Domingue, c’est-à-dire le quart de la sucrerie. Il faut dire qu’une concubine domingoise a favorisé cet ancrage…

Notre cadet va dépenser une énergie et un argent considérables pour relancer l’activité du domaine, et va y croire jusqu’au bout, ne quittant la place que dans les ultimes moments de la présence française, quant le climat devient trop dangereux.

Son nom ? Hector-Louis de Barbançois. Sa sucrerie ? L’habitation Bourgogne, sise juste à la sortie de la Croix-des-Bouquets, en direction de l’Étang Saumâtre.

Des papiers récemment retrouvés de cette sucrerie sont en cours d’étude, pour nous permettre d’en savoir plus sur cette histoire peu ordinaire. À suivre, donc.

Jean-Louis Donnadieu

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Jean-Louis DONNADIEU
Agrégé d'histoire-géographie, docteur en histoire

Une enfance au Bénin l'initie tôt à l'histoire de l'Afrique, et notamment à la tragédie de la traite négrière et de l'esclavage.

Il est à l'origine de la commémoration de Toussaint Louverture au château de l'Isle-de-Noé (Gers, France) en 2003 et a soutenu sa thèse d'histoire sur le comte Louis-Pantaléon de Noé, grand propriétaire sucrier au quartier de l'Acul-du-Nord (une livre pour le grand public en préparation).

Formateur dans des stages d'enseignants sur l'histoire coloniale, il continue ses recherches historiques sur les liens entre la France et les Antilles.


Rédigé par J-L Donnadieu pour la Fondation AfricAméricA le Jeudi 12 Mars 2009 à 20:43 | Commentaires (1)

Commentaires

1.Posté par André Lamothe le 03/10/2017 22:23 (depuis mobile)
This is wonderful! Where can I find the map of all Cul de Sac with the names of habitations? Thank you for your help!

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